Essai de modif 

Vendredi 20 février, Roland Stuck, pratiquant le planeur réel depuis 1973, a présenté son activité en l'étayant de diaporamas et de vidéos de vols à la fois esthétiques et pédagogiques. Son passé vélivole et ses palmarès sont impressionnants, ses connaissances du massif alpin ne le sont pas moins. Le récit de ses trajets entre le sud des Alpes et la Suisse ont été l'occasion d'éclaircissements sur les beautés et les difficultés des vols de montagne : la brise de vallée, les thermiques, la dynamique. Précisons que Roland pratique en parallèle, avec beaucoup de succès également le planeur en modèle réduit. Il a été, par exemple, l'initiateur du vol remorqué en France avec son ami et ancien membre de notre club, Pierre Muller.

Je me suis permis de diffuser en bas de page le récit relatant son record sur les 1000 km parcourus en une journée dans les Alpes. Cette soirée qui a accueilli un bonne vingtaine de membres du club a également été l'occasion de prendre un repas simple en commun.

En tous les cas, un grand merci à Roland pour son intervention !

 

Son diaporama est téléchargeable ici.

 

1000 km dans les Alpes
 
Réalisé par Roland Stuck le 30 juillet 1998 en ASW 20 B WL (F-CBDD)
 
Récit, paru dans Vol à Voile Magazine
 
Cela fait 15 ans que je vole à Puimoisson. C'est un endroit que j'aime beaucoup, non seulement parce que le terrain est idéalement placé au pied du Parcours, mais aussi parce qu'il y fait bon vivre. Le coin est tranquille, la vue sur la Serre et sur le plateau de Valensole est magnifique, et cela sent bon la lavande. Pour la famille, le lac de Ste Croix, les Gorges du Verdon et Moustiers ne sont pas loin. Le soir on se régale chez Henri et Annie et la nuit, il règne une fraîcheur agréable et l'on dort merveilleusement bien. Bref si ce n'est pas le paradis cela y ressemble beaucoup...
 
Ces séjours réguliers, plus quelques stages à Saint Auban, m'ont permis d'acquérir une certaine expérience en montagne. Depuis plusieurs années mes vols m'amenaient assez régulièrement en Suisse, parfois jusqu'au col de la Furka ( AR de 700 km) et je m'étais pris à rêver de faire un mille bornes, mais sans y croire suffisamment pour effectuer la moindre tentative sérieuse. En outre mes engagements à Saint Auban, à l'occasion du Lavender Glide et du Mondial, m'avaient obligé à remettre ces projets à plus tard.
 
Le 18 Juillet je quitte donc l'Alsace sous la pluie pour ma transhumance habituelle. Comme à l'accoutumée il fait beau après le passage du Col de la Croix Haute et la fatigue des dix heures de route disparaît dès que j'arrive sur le plateau. Au terrain je retrouve avec plaisir mon ami Pierre Laulhere, nos complices de Challes, Francine et Pierre Hahnnart et les habitués de Puimoisson: Rainer Tappeser, Marcel Zemauli, Fritz Krebs, Roger Larpin et Jürgen Koster. Certains ont déjà fait de beaux vols et la météo semble fumante car il n'a pas plu depuis près de deux mois au grand désespoir des agriculteurs locaux.
 
Le lendemain nous sommes à pied d'oeuvre très tôt. Pierre Laulhere vole sur le superbe LS 6 18m " Papa Lima " qu'il a acheté au printemps, Pierre Hahnnart chevauche son Ventus 2 " Papa Fox " quant à moi je suis fidèle à mon vieil ASW 20 BL " Delta 2 ". C'est une excellente machine, un peu lourde ( le BL est la version renforcée de l'ASW 20 CL qui peut être ballastée en 16,60 m ) mais qui est parfaitement adaptée à la montagne. Il y a quelques mois, je l'ai équipée de winglets qui ont nettement amélioré ses caractéristiques de vol à basse vitesse et me permettent de spiraler beaucoup plus lentement, tout en conservant une bonne efficacité des ailerons. Du coup, je préfère voler en 15m avec les winglets plutôt qu'avec les rallonges à 16,60 m. D'entrée de jeu, Pierre commence fort en virant à la Jungfrau. Pour ma part je m'arrête avant le Cervin, étant obligé de rentrer tôt. Cela s'annonce effectivement très bien, les conditions sont excellentes avec un peu de vent nord ouest et des plafonds voisins de 4000 m.
 
Le lendemain je pars en ASH 25 avec le bouillant Marcel, et accompagnés par le LS6 de Pierre nous réalisons un yoyo non prévu de 820 km en virant aux Arc 2000, à Aiguines et au Petit St Bernard.
 
Le 21 nous ne pouvons pas monter dans le Nord, La Lombarde est rentrée et l'air humide de la plaine du Pô forme des nuages bas dans la vallée de la Maurienne. Nous nous arrêtons à Val Thorens et nous allons ensuite virer à Grenoble, non sans quelques difficultés.
 
Le jour suivant nous affichons un 902 km avec un premier point de virage à Prarayer, retour à Aiguines et remontée jusqu'à Arc 2000, mais nous ne pouvons passer en Italie, les nuages envahissent le Val d'Aoste car la Lombarde est toujours là. Je vais néanmoins virer au Petit St Bernard et en tricotant un peu (5 pts de virages ! ) je couvre tout de même plus de 900 km. Les copains font la moue ( pouah du yoyo! ) mais je suis assez content car ce vol me confirme que le 1000 est réellement à notre portée si nous pouvons partir aussi tôt qu'aujourd'hui. En effet dès 10h30 nous sommes montés à 2400 m sur les rochers de la face est de la Serre, chauffés par le soleil du matin, ce qui nous a permis de planer jusqu'à la crête à l'ouest de Thorame où nous avons trouvé de quoi rejoindre le Parcours. Nous nous sommes ainsi retrouvés vers 13h du côté de Bonneval sur Arc ce qui nous ouvre des perspectives intéressantes.
 
Le 23, un peu fatigué, je décide de ne pas voler. J'en profite pour préparer le mille en relevant avec précision les points de virage et en calculant exactement les distances etc... Je regrette un peu ma décision lorsque, vers 18h15, les deux Pierre s'annoncent en ayant tourné à la Furka ! L'anticyclone a regonflé un peu et a repoussé la bouillasse sur l'Italie. Pierre Laulhere décide de poursuivre son vol pour tenter de faire mille km et remonte dans la Maurienne pour photographier Modane mais il rate de peu le retour dans le Sud et doit se poser à Albertville. Il a néanmoins couvert à nouveau près de 900 km. Rainer réalise lui aussi un vol superbe, il vire à la Furka puis à Grenoble en passant par Chamonix et revient au terrain puis remonte encore le parcours pour le plaisir ce qui fait plus de 960 km.
 
Le lendemain je fais une première tentative " officielle " avec signature de 2 commissaires sportifs, barographe et tout le tintouin. Je choisis de virer au Simplon (au 300 km de Puimoisson), retour au pont d'Aiguines puis remontée jusqu'à la gare de Bourg Saint Maurice. Fabien Parot, le remorqueur attitré de Puimoisson, me largue à 1800 m au dessus du petit village de St Jurs qui est plus haut que le terrain ( 850 m ) et plus proche du relief. Mon idée est de prendre la photo de départ de l'église, puis de planer jusqu'à la crête de la Serre où j'espère retrouver l'ascendance venant de la face est. En photographiant l'église au retour, la différence d'altitude entre le point de largage et le point d'arrivée ne dépassera pas les 1000 m autorisés par la FAI. La manip marche comme prévu mais l'ascendance sur la Serre est moins bonne que les jours précédents et plafonne à 2100m. Après un départ assez laborieux, au cours duquel je me récupère à 1300 m en local de Marcoux, je vire au Simplon vers 14h20 et je suis de retour à Aiguines à 17h30. Je remonte jusqu'à la Roche Bernaude mais compte tenu de l'heure et des plafonds dans la Vanoise, je renonce à aller virer à Bourg St Maurice. Je photographie la station du Val Fréjus et rentre après avoir couvert 902 km. J'ai été un peu trop lent aujourd'hui pour pouvoir tourner mais ce vol m'a tout de même appris que l'option prise par Pierre d'aller dans un premier temps à la Furka est bien la meilleure et qu'il ne faut pas dépasser Rochemolles ou Bissorte à la deuxième remontée.
 
Le 25 je laisse le Delta 2 à mon copropriétaire Jean Paul Lehmann qui vient d'arriver, mais Pierre, me prête son LS6 car il est obligé de rentrer, son MD-83 l'attend. J'accompagne Fritz Krebs, un ami Suisse, jusqu'à son point de virage préféré qui est Grächen près de Zermatt. Les conditions sont toujours excellentes même si nous avons trouvé des plafonds un peu plus bas au delà du Cervin. Le 26 je fais une nouvelle tentative. Sur les conseils de Pierre Hahnnart j'affiche le circuit: St Jurs Eglise, Furka Col, Aiguines Château, Bissorte Barrage et retour à St Jurs Eglise soit un premier aller et retour d' environ 700 km, suivi d'un deuxième de près de 300 le total faisant 1004 km d'après nos calculs. Je décolle vers 10h mais la Serre ne monte pas à plus de 2000 m. Pour éviter Coupe qui ne donne pas grand chose à cette heure ci, je passe par les crêtes au Nord de Castellane et St André des Alpes et j'arrive péniblement à rejoindre le parcours. Les conditions s'améliorent rapidement par la suite même si le vent est très fort et très turbulent. Je vire à la Furka à 14h55 et suis de retour à Aiguines à 18h10. Je suis dans les temps mais en remontant le parcours un gros orage arrive de Gap. Comme je suis à peu près sûr qu'il me barrera la route du retour si je continue, j'arrête les frais à Savines et rentre à Puimoisson. Cela ne fait que (!) 850 km mais je ne suis pas trop déçu car je suis sûr maintenant que " ça passera " pour peu que la météo veuille bien rester bonne toute la journée.
 
Les conditions se dégradent un peu après le passage du front orageux et, la masse d'air est stable durant quelques jours et nous n'arrivons guère plus loin que le col de Vars.
 
Le 30 je me prépare pour une nouvelle tentative qui sera la bonne.. Les préparatifs d'un tel vol étant assez longs, le Delta 2 est en piste dès 8h du matin, protégé par les luxueuses housses Jaxida que m'a prêtées mon fils. Je n'ai mis que 40 litres d'eau car je n'aime pas les charges alaires trop élevées au ras du caillou. Je ne suis pas particulièrement optimiste car les prévisions de Saint Auban ne sont pas mirobolantes.
 
 
La veille, après une réunion au CFHN, Michel Fache m'avait d'ailleurs dit qu'à son avis il faudrait plusieurs jours pour retrouver de bonnes conditions. Mais mes vacances se terminent bientôt et j'ai décidé d'exploiter toutes les possibilités! Le circuit affiché est à nouveau St Jurs, Furka, Aiguines, Bissorte et retour. Je décolle à 10h10 et durant le remorquage j'aperçois déjà un petit nuage du côté des Ecrins. La journée serait elle meilleure que prévu ? Je largue vers 10h17, photographie St Jurs et mets le cap sur la Serre. C'est encore plus mou que lors des tentatives précédentes et malgré tous mes efforts je ne dépasse pas 1800 m. Je me dirige vers le Chiran mais je me retrouve rapidement à 1600 m dans le cirque à l'est de l'observatoire. J'imagine déjà les vannes des copains si ma glorieuse tentative finissait prématurément dans le champ de Barrême. Quelques cailloux chauffés au soleil du matin éloignent momentanément cette douloureuse perspective et je remonte à 2000 m vers le Charre du Mourrier. J'avance prudemment le long des crêtes au nord de Castellane et de Saint André des Alpes. A nouveau je me retrouve à 1600 m et je crains d'être victime de la gravitation universelle dans le champ de St André. Près de Courchons j'arrive cependant à reprendre 400 m. Je commence à réaliser qu'en altitude le vent vient de l'ouest et qu'il est assez fort. Peu avant d'arriver au dessus de Thorame, je trouve à nouveau une bonne ascendance qui me permet de passer sur le parcours. Après ce départ laborieux les choses s'améliorent rapidement. Je fais 2500 m sur la Vachière, 2800 sur le Caduc, 3200 sur la Grande Séolane et je passe à la verticale de Barcelonette vers 11h45. Est ce le vent d'ouest, mais le grand Bérard n'est pas au mieux de sa forme. Je passe donc par Siguret et les Aiguilles de Chambeyron où il commence à y avoir des rotors et je trouve un bon 4 m pas trop turbulent en vol de pente. Je monte à 3500 m puis je transite vers le Pic de Rochebrune. J'y arrive à 3000 m et sur l'arrête qui va vers Montgenèvre, sous un rotor je trouve une ascendance qui n'est pas très forte et très hachée mais que je garde car elle me permet d'aller directement vers le Col d'Etache en suivant un ressaut bien matérialisé qui passe à la verticale d'Oulx. Comme je ne trouve pas d'ascendance à mon goût à la pointe de Sommeiller et que je suis encore suffisamment haut je file direct sur la Pointe de Ronce en passant par la Dent d'Ambin et l'extrémité Sud du lac du Mont Cenis. J'arrive à 3200 m au sud de la Pointe de la Ronce, au Mont Lamet où je trouve immédiatement un bon 4 m pas trop chahuté qui me monte à 3600 m. Il est 12h50, j'ai rattrapé en grande partie le temps perdu au départ et je commence à y croire. Un peu au nord de la pointe de Charbonnel je monte dans un 5 m très turbulent à 3900 m. J'ai un bon vent trois quart arrière puisque mon L-Nav m'indique du 50 km/h du 270. En chevauchant la limite des deux masses d'air sur la frontière italienne je perds très peu d'altitude bien que je transite à 170 km/h et je me retrouve très rapidement au Grand Paradis qui me redonne un bon 4000 m. Je passe vertical la Grivola et traverse le Val d'Aoste en essayant de suivre le ressaut pour ne pas trop chuter puis je prends le côté nord de la vallée de la Valpelline où une rue de nuage va vers le Cervin. Je monte à 3600 m à l'est de Prarayer ce qui me permet de passer le col au nord de la Dent Blanche puis de suivre l'arête qui va vers le Cervin qui est toujours aussi impressionnant. Je longe ensuite la face sud de la montagne mythique pour aller au Theodulpass avant de sauter sur l'arête du Gornergrat. Je ne trouve pas grand chose sur la station de ski (que je connais bien pour l'avoir fréquentée cet hiver) aussi je continue vers le Rothorn qui n'est guère meilleur probablement parce qu'il est un peu tôt. Je finis par trouver une bonne pompe au pied de l'Alphübel qui me remonte à 4100 m. Je m'appuie sur les 4000 du côté Sud de la vallée de Zermatt qui donnent bien en pente avant de traverser vers le Fletschorn. Une fois de plus les plafonds sont un peu plus bas par ici car l'air humide rentre par le Simplon. Comme je ne trouve rien de sérieux je décide de traverser la vallée du Rhône car de l'autre côté il y a un bel alignement qui va jusqu'au Gotthard. Je commence à rencontrer des planeurs suisses qui pour la plupart viennent de Münster ( depuis mon départ je n'avais pas vu un seul planeur en l'air). Certains sont très hauts, au moins à 4500 m, sur la Jungfrau. J'hésite à faire le détour mais je préfère aller droit sur le point de virage. Je ne regrette pas ma décision car je trouve assez vite un bon 5 m à l'est du Glacier d'Aletsch. Je fonce sous la rue de nuage vers le point de virage que je photographie à 14h25. Je suis euphorique car je n'ai jamais viré ici aussi tôt, et mon affaire se présente vraiment bien. Je me force néanmoins à rester concentré pour ne pas mettre le pied dans un trou et perdre la demi heure qui risquerait de me manquer ce soir.
 
Le retour se fait par le même chemin. Au bout de la rue de nuage, le 5 mètres de tout à l'heure s'est transformé en un petit 2 m. Je prends tout de même car il me faut monter suffisamment pour pouvoir traverser à nouveau la vallée du Rhône. Pendant que je spirale six Mirages suisses en formation parfaite déboulent du glacier d'Aletsch en direction de Sion. J'espère que leurs pilotes regardent dehors, vu le nombre de planeurs évoluant dans le coin. Je traverse et comme à l'aller je ne trouve rien au Fletschorn qui est pourtant une bonne adresse d'habitude. Je m'engage donc dans la vallée de Zermatt. L'ami Marcel, parti plus d'une heure après moi, a bien marché avec son ASH 25 puisqu'il s'annonce déjà au Cervin. Je remonte à 4100 mètres sur les contreforts de l'Alphubel et je longe le Mont Rose avant de passer à nouveau par le flanc Sud du Cervin où le plafond m'oblige à descendre à 3500 m. Dès que je le peux, je reprends le côté nord de la Valpelline qui m'avait si bien réussi à l'aller et je fais un bon plafond avant de retraverser le Val d'Aoste. Mon cheminement ne doit pas être optimal car je chute beaucoup durant la transition, aussi je m'appuie sur le Mont Emilius pour reprendre quelques centaines de mètres afin d'attaquer la Grivola suffisamment haut (3200 m) pour éviter toute mauvaise surprise. La pente donne très bien et quasiment sans spiraler j'arrive à grimper à 4100 mètres au Grand Paradis.
 
En suivant les crêtes, comme à l'aller, et toujours sans spiraler, j'atteins Charbonnel qui me déçoit un peu, mais je remonte à 3700 m à la Pointe de la Ronce. En passant par le Sud du Lac du Mont Cenis et le Col d'Etache j'arrive sur la Crête de Peyrolles qui me donne le 5 m que j'attendais. Comme à mon habitude je passe le Col des Terres Blanches via la Tête d'Amont et je file vers la Tête de Lucy avant de sauter sur le Morgon et d'enfiler le parcours classique à grande vitesse en assurant bien la sécurité car il y a du monde qui arrive de face. J'arrive à Aiguines et je photographie l'ex-château de Mme Jeanne Moreau à 17h28 ( C'est l'heure estimée prévue par mon GPS depuis plus de 100 km ! ). Malgré le vent de face je n'ai mis que 3h pour faire les 350 km de la deuxième branche. Je suis donc largement dans les temps et je me dis que vu l'heure, ce serait bien le diable si je n'arrive pas à remonter à Bissorte! Je repars toujours en transition sur le Parcours et pour la première fois depuis que j'ai quitté la crête de Peyrolles, je spirale du côté de Roche Close pour faire un bon plafond avant d'attaquer directement la tête de Lucy. J'arrive là bas à 25, je repars à 32 pour remonter par la Voie Royale ( Col des Terres Blanches, Petit Plinier, Grand Plinier, Pas de la Cavale). Tout le massif des Ecrins est couvert à 7/8 et je commence à prendre quelques gouttes. Pourvu que la marmite ne pas déborde pas avant mon retour ! Je ne suis cependant pas trop inquiet car le sommet des nuages est assez plat. A partir du Pas de la Cavale je suis l'arête qui va vers la pointe de l'Aiglière pour traverser ensuite vers les Agneaux. Avant d'y arriver, sur la Blanche, je monte à 3800 m dans un bon 3 m. Je longe les Agneaux et reprends une louche à l'est du Galibier au Pic de la Moulinière car cela a l'air assez mou du coté de Bissorte. Je vais jusqu'au point de virage en finesse et je photographie le barrage vers 18h50. Je suis à 3000m, mais le Mont Thabor ne donne rien, les montagnes à l'est du Casset non plus, je me dirige donc vers la Tête d'Amont qui a l'air plus sympathique. Je me retrouve bientôt à 2600 m et je commence à me demander si je ne vais pas être victime du syndrome de la dernière pompe, celle qui manque pour rentrer et que l'on ne trouve jamais. Heureusement au col de l'Echauda, qui est pourtant entièrement à l'ombre je trouve un 3 m fort opportun, probablement dû à un ressaut des Agneaux. Bien que l'ascendance faiblisse je ne la quitte qu'à 3200 m et j'assure le coup en rajoutant 200 m aux Agneaux. Maintenant c'est dans la poche car je sais, pour l'avoir fait de nombreuses fois, qu'en passant par le Pas de la Cavale je rentrerai à Puimoisson sans spiraler.
 
Pendant que l'ombre du Delta 2 défile sur les pentes je suis envahi d'une joie profonde et je pense à l'époque où je découvrais les Alpes avec mon brave LS1D " Lima 48 " en faisant parfois des choses pas très catholiques, au temps où avec les moniteurs du CVV Haguenau nous remontions dans les Ecrins deux, parfois même trois fois par jour avec nos Twins, aux premières fois où nous sommes allés avec la paire de Pierre au Mont Blanc et au Cervin. Comme l'avait écrit le regretté Loulou Abeille après son premier 1000 en onde, un tel vol ne peut résulter que d'une somme d'expériences mises bout à bout, et le jour venu, pour peu que la météo soit de votre côté, on est étonné que les morceaux du puzzle s'assemblent aussi facilement. En cours de route Marcel et Geneviève m'attendent avec l'ASH vers les Trois Evêchés pour me tirer le portrait. Le plané final dans la paix du soir est une véritable jouissance, je n'oublie pas de photographier l'église de Saint Jurs et je m'offre un petit passage avant de me poser à 20h08. Ma femme et mes amis m'attendent et me félicitent. Bruno Pierraerts n'est pas le dernier à se réjouir car c'est le premier 1000 à partir de Puimoisson, et ce vol confirme tout le potentiel de " son " terrain .
 
Le dépouillement de l'enregistrement de mon " logger " indiquera que la distance réelle est en fait de 1001,996 km (ouf!) et que j'ai tourné en 9h45 ce qui donne une vitesse moyenne de 102,6 km/h.
 
Le circuit est à mon avis très bien choisi, car il évite de franchir les limites climatiques du Gotthard et de la Maurienne et assure un retour confortable par les Ecrins le soir. En outre Puimoisson consitue une rampe de lancement idéale pour les grands vols car on peut y décoller suffisament tôt (même si les départs ne sont pas toujours évidents !) et rentrer tardivement sans difficulés.
 
Par la suite je me suis souvent demandé si j'avais bénéficié d'une météo exceptionnelle. En fait je pense que la journée a été remarquable, non par les Vz, ni par les plafonds qui, s'ils ont été bons, n'ont rien eu d'extraordinaire, mais plutôt par l'homogénéité dans le temps et l'absence d'orage le soir. L'analyse que m'a faite l'ami Guy Sennequier à partir des documents obligeamment communiqués par Météo France, confirme cette impression et je suis convaincu que de telles conditions doivent pouvoir se renouveler plusieurs fois au cours d'une saison normale.
 
Je sais, ce n'étaient que des yoyos, mais je ne ne désespère pas de faire un jour un " vrai " 1000, pourquoi pas en aller et retour sur l'Autriche comme l'ont fait les pilotes de Challes...